C’est la rentrée des classes, commence le temps des études, du travail et… de la lecture. Ces derniers jours, je me suis penché sur des ouvrages que j’avais gardés au chaud depuis un long moment. Des livres pas nécessairement récents, mais qui captivent par leurs thèmes, leur style, leur auteur. Leur vie.
Jamais déçu de la lecture des écrits de Jean Echenoz, un auteur sûr, dont le style est reconnaissable à l’odeur de ses mots et au goût de ses sujets.
J’ai lu la plupart de ses ouvrages, je vous en parlerai dans les prochaines humeurs avec plaisir, Récemment, coup sur coup… Je viens de terminer «14» et «La vie de Gérard Fulmard», tous deux parus chez son éditeur Minuit.
Le premier, très court (125 pages), fascinant, aborde les destins de 4 hommes, amis de comptoir et de pêche, qui ont participé à la guerre de 14, issus des classes moyenne et ouvrière de Vendée (ouest de la France), et, en second plan, il y a Blanche, une femme restée au village, enceinte de l’un d’eux. Pendant que les amis sont au front, Blanche attend son amant, comme des dizaines de milliers de jeunes femmes de cette période. Les autorités ont annoncé que cette guerre, qui se déroule à l’est, ne durera pas plus de 4 jours, toute la population y a cru, la considérant comme une sorte de promenade de santé, pensait-on ; elle durera 4 ans avec son lot de malheurs et des millions de morts. Une histoire de guerre et d’amitié ? Les deux, mon général. Des romans de cette guerre, il y en a eu et de très bons, l’inénarrable Journaux de guerre d’Ernst Jünger, A l’Ouest, rien de nouveau de Erich Maria Remarque…
Les 4 amis se retrouvent dans le même régiment, un seul d’entre eux échappera au charnier. Il revient au village sans bras droit, rencontre Blanche, lui fait un enfant.. Un très beau sujet sur l’amitié, la séparation, la guerre et ses conséquences.
Mécaniquement (une habitude), j’ai souligné des phrases, des paragraphes, des images ; toujours ravi, étonné, ébloui par la plume d’Echenoz. Extraits : «Dehors, fond sonore de dimanche : tout est plus silencieux qu’en semaine, à la façon de n’importe quel dimanche mais pas seulement, pas le même silence que d’habitude, comme si restait un écho résiduel des clameurs de ces derniers jours, des fanfares et des ovations». Puis, cette image qui me renverse, elle décrit un homme riche et son domicile. «Depuis la rue, on distinguait d’assez loin la façade en granit jaune et bleu, mince, haute, étroitement verrouillée comme son propriétaire». Et les descriptions de la guerre ne sont pas moins éclatantes, comme cet exemple, beau comme la musique «Canon tonnant en basse continue…». Gérard Fulmard attend.